19.5.07

Eléments d'histoire économique

Le déclin de l’activité minière

L’exploitation de Tiébaghi fonctionna, sans défaillance et à son rythme ancien jusqu’en 1962, qui marquera son effondrement total (@). Au 31 décembre 1961, la mine employait encore 209 employés (dont 185 ouvriers : 74 Européens, 20 Vietnamiens, 8 Indonésiens et 83 Mélanésiens, Tahitiens ou Wallisiens) et abritait près de 600 âmes dans le village de Tiébaghi. Fin 1962, les effectifs étaient tombés à 30 travailleurs, employés pour le seul entretien des installations.

Jusqu’en 1962, Tiébaghi resta le grand foyer du développement régional.

Sur le plan commercial, son rayonnement s’accrut considérablement avec l’ouverture des voies de communications. Les camions des grands comptoirs commerciaux visitaient au moins deux fois par semaine tous les centres de la région jusqu’à Ouégoa à l’est, et souvent jusqu’à Koné, Pouembout, même Poya au sud. Il en allait de même pour les commerçants chinois desservant, parfois fort loin, les colons et les tribus les plus isolés. De surcroit, à Voh, Bondé, Poum, Koumac, des commerçants locaux se lancèrent dans le colportage des produits sur Tiébaghi où ils fournissaient sur contrat les stands des marchands en place. Enfin, les travailleurs des mines eux-mêmes profitaient souvent de leurs jours de repos pour s’assurer à moindre prix directement au producteur l’approvisionnement de la semaine.

La diversité d’origine des populations de Tiébaghi où chaque groupe ethnique possédait des habitudes alimentaires bien particulières, inférait une large gamme dans les possibilités de vente de légumes et produits du petit élevage pour la clientèle vietnamienne, produits vivriers autochtones pour les clientèles mélanésienne et wallisienne, pour ces dernières encore bananes à cuire et cochons nourris au coca, et pour tous, viande de bœuf, poisson, fruits et produits maraichers.

@) En 1960-61, un programme de recherches en profondeur avait permis d’assurer à la mine une dizaine d’années de réserve, mais des difficultés apparurent très rapidement avec la disparition en 1960 des achats américains, qui ne pouvaient être que partiellement compenses par l’intensification des ventes en métropole, et avec l’accroissement des offres de la Russie et I’ apparition d’un nouveau producteur dans la zone franc(Madagascar). Cf. Rapports du Service des Mines de Nouvelle-Calédonie, 1961-1962.


Les régions de production concurrentes de la Grande-Terre ou des Iles étant au moins aussi éloignées du Nord que de Nouméa, les prix de vente sur Tiébaghi étaient souvent supérieurs à ceux de la capitale et, partant, les prix à la production très avantageux pour les zones voisines.

Ouégoa, aux riches possibilités agricoles, mais totalement excentré par rapport aux grands marchés de consommation du sud, semble bien, plus que tout autre centre, avoir prospéré dans l’orbite de Tiébaghi.

Sur le plan humain, la facilité accrue des déplacements aura eu une autre importante conséquence, celle de rendre plus attrayant pour les habitants de la région l’engagement salarié sur mines, dont les taux de rémunération s’étaient par ailleurs considérablement augmentés après guerre.

On mesurera, sur ces quelques remarques, les conséquences désastreuses pour la région de la disparition de Tiébaghi, auxquelles la mine de Poum, dont la récession remonte elle-même à 1962, ne put même pas ménager une transition.

La mine de Nickel de Poum avait pourtant connu, dès sa mise en exploitation en aout 1954, une activité remarquable qui se poursuivit d’année en année jusqu’en 1957 où la production atteint le chiffre record de 207.695 T. A cette date, plus de 150 ouvriers, Européens, Autochtones, Wallisiens s’y trouvaient employés et la mine absorbait largement la totalité de la production alimentaire de la zone Poum-Arama Iles du-Nord. La production s’effondra brusquement en 1958 et, malgré une bonne reprise en 1961, se maintient à un niveau inférieur jusqu’à sa fermeture en juillet 1965. Fin 1962, année de l’effondrement de Tiébaghi, les effectifs ne s’élevaient plus ici qu’à 23 employés, contre 77 en décembre 1961.


MEMOIRE ORSTOM no 32
G. ROCHETEAU
Chargé de Recherches de l’ORSTOM

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